A2 Chinois : « Attention…le piège de la grammaire ! »


Aujourd’hui, il est temps de se pencher sur une question assez récurrente concernant l’apprentissage du chinois mandarin. La question de la supposée absence d’une grammaire en tant que telle et l’impact de ceci dans le processus d’apprentissage de cette langue.

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« Après 3 ans d’études du chinois… »

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Pour anticiper une éventuelle remarque, je tenais à préciser que mon niveau de chinois mandarin n’est absolument pas bon. C’est d’ailleurs, mon mauvais niveau qui est à l’origine de la création de cette section du site. Car oui après trois années à étudier le chinois mandarin, j’aurais au moins un certain recul sur l’apprentissage appliqué de cette langue-ci. C’est ceci qui me pousse à partager avec-vous ces réflexions autour des difficultés liés à l’apprentissage de cette langue.

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Pour commencer, il me semble bon de préciser que, comme un certain nombre d’apprenants en langue, j’ai assez rapidement fait l’acquisition d’un ouvrage de grammaire appliquée pour ce qu’il en est du chinois mandarin. Bien que ceci ne soit pas une réelle obligation, je fais partie de ceux qui considèrent que c’est un immanquable dans une langue ou une autre. J’ai donc beaucoup étudié la grammaire de cette langue ce qui, au bout du compte, m’aura véritablement et tout simplement empêché de progresser réellement. Car oui, à force d’entendre certaines personnes discuter autour de la présence d’une « grammaire » en chinois, je dois bien avouer avoir fait partie de ceux qui y avaient un peu trop cru. Un peu naïf sur ce coup-là, il me faut bien le confesser… Le chinois est malheureusement une langue autour de laquelle gravitent beaucoup de mythes et de mystifications en tout genre. Ces mêmes éléments véhiculés, pour le pire et pour le meilleur cela dit, par un certain nombre de personnes qui, pour peu que l’on regarde de plus près, ne se trouvent plus véritablement dans une logique d’apprentissage en tant que telle… Peu surprenant alors que certains propos, certaines remarques, certains conseils, ne soient finalement que peu applicables pour un apprenant débutant (tel que moi et que vous peut-être) et a fortiori pour un apprenant en autodidacte.

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« Une grammaire certes mais cela sert à quoi ? »

Rassurez-vous je ne vais pas trop m’étendre sur le sujet mais je souhaitais tout de même faire un point rapide concernant la grammaire en elle-même. Non pas dans l’objectif d’ouvrir un débat linguistico-linguistique mais bien pour tenter de comprendre pourquoi il peut être risqué d’affirmer que le chinois comporte une véritable grammaire. Pour résumer très succinctement mon avis sur ce point je dirais que la grammaire se décompose en trois grands niveaux que sont :

  • Un descriptif, un listing ou un regroupement plus ou moins étoffé des faits et autres phénomènes d’une langue donnée.

Le principe ici est donc pratiquement purement intellectuel et touche au domaine de la simple connaissance vis-à-vis de cette même langue.

  • Un regroupement de règles, de principes et de conventions (avec exceptions évidemment sinon ce n’est pas drôle) que l’on apprend à comprendre et maîtriser dans le but de les appliquer.

Le principe ici concerne donc l’application pratiquement pure et dure de ces différentes conventions dans la langue donnée. Et ceci constitue donc également un outil particulièrement utile pour comprendre et/ou expliquer le fonctionnement de celle-ci.

  •  Un recueil d’outils grammaticaux en tant que le moindre terme comportera au minimum un sens particulier ; ce même sens qui sera néanmoins précisé, nuancé et consolidé par une ou plusieurs fonction(s).

Le principe étant que la maîtrise de certains points de grammaire vous permettra d’utiliser celle-ci pour exprimer quelque chose moyennant une intention car la grammaire vous offre, au bout du compte, des outils que vous pourrez utiliser assez librement dans vos propos. Certaines fois, il sera même possible de simplement transgresser les conventions admises de cette même grammaire ; cela même qui permettra donc d’aborder, par exemple, non plus le principe de nuances comme auparavant (application de la grammaire), mais bien le principe d’intentionnalité du discours (utilisation de la grammaire et des outils qu’elle comporte).

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Toutefois, on peut aisément observer que l’utilisation de la grammaire ne nécessite pas de parfaitement savoir l’appliquer (au sens où vous la connaîtriez parfaitement). Bien au contraire, même si votre niveau de grammaire dans une langue n’est pas très élevé, vous pourrez néanmoins utiliser l’ensemble des outils que vous avez appris et ce, peu importe votre niveau en soi. En bref, je tenais à dire que la grammaire, au bout du compte, n’est pas qu’un simple empilement de connaissances dont le seul objectif serait d’être su afin de pouvoir être appliqué à la lettre. En y regardant de plus près c’est même le constat quasiment inverse que l’on pourrait finalement dresser.

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« Certes, mais alors en chinois cela donne quoi … ? »

Malheureusement en chinois, force est de constater que cela ne sera pas le cas. Tout simplement car le pilier de la langue est le couple syntaxe/lexique et non pas alphabet/grammaire. La grammaire chinoise ne vous permettra pas (ou très peu) de faire l’acquisition d’outils grammaticaux (disposants de sens en eux-mêmes et de fonctions établies) que vous allez pouvoir, de ce fait, réutiliser plus ou moins librement par la suite, et ce, dans la moindre de vos phrases (plus ou moins complexes). En d’autres termes, l’erreur pour les apprenants autodidacte en chinois sera donc de travailler la fameuse « grammaire chinoise » comme s’il s’agissait d’une véritable grammaire (au sens où nous pourrions l’entendre dans un large éventail d’autres langues).

Bien au contraire, la langue chinoise reposera en premier lieu sur sa syntaxe et non sur des termes grammaticalement définis au préalable. De ce fait, travailler sa grammaire en chinois ne vous permettra que trop peu de progresser dans cette langue tant vous risquez de dépenser du temps et de l’énergie pour faire l’acquisition d’éléments qui ne vous serviront pas pour la compréhension et encore moins pour la production dans cette langue.

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En regardant vos premières conversations vous vous rendrez vite compte que même si vous disposez de pseudos connaissances grammaticales en chinois (plus ou moins élaborées), vous ne pourrez guère les utiliser sauf à en devenir tout simplement incompréhensible. Eh oui, voilà la grande différence car là où vous pourriez être habitué à des retours à l’image de : « c’est trop académique », « pas assez fluide », « trop lisse et aseptisé »… il sera plutôt commun d’entendre des retours du type « ça ne veut rien dire ! »…

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« La grammaire chinoise ou l’une des illusions de la langue… »

Comprenez-moi bien, il ne s’agit pas, ici, de partir dans un débat du type la grammaire c’est mieux car… mais bien de vous éviter de faire une erreur que certainement beaucoup de personnes ont faite (moi inclus) et qui se résumera dans le fait de travailler un aspect de la langue qui ne vous servira que trop peu comparativement à d’autres (syntaxe, lexique, interjection multiples, tons et phonologie, tracé de caractères…). Débuter l’apprentissage du mandarin et même après quelques mois nécessitera déjà de travailler beaucoup de choses différentes (assez éloignées de ce que l’on connaît en général) il s’agirait donc de ne pas se rajouter une dose de travail un peu superflue tout de même…

En écrivant ces lignes, il me semble évident que certains se diront que le prof A, à l’inverse, aurait dit que ceci ou que le natif B ne dit pas la même chose que moi. C’est une remarque qui, bien qu’intéressante, n’en demeure pas moins inadaptée dans la mesure où cela postule que, précisément, vous disposiez de la présence d’un professeur ou assimilé. En effet, le principe même d’établir des liens entre des connaissances acquises par un apprenant et certains éléments de l’objet d’apprentissage, fait incontestablement partie de la pédagogie. Autant se dire, qu’en l’absence de professeur (ou de quelqu’un maîtrisant suffisamment la langue visée, ici chinoise) pour vous indiquer quand il est possible d’user de ces effets de proximité (et donc de leurs limites également), cela pourrait bien constituer un risque majeur lié, simplement, à l’acquisition de vrais bons mauvais réflexes.

Après tout, et avec un peu de recul sur l’apprentissage du mandarin, je serais tenté d’affirmer que c’est certainement la plus grande différence, le plus grand écart observable entre par exemple, le français ou l’anglais et le chinois. Rester dans une acception grammaticale de la langue chinoise, produira à n’en pas douter un plafond de verre que vous aurez bien du mal à briser par la suite. La raison est finalement assez simple, car il s’agira bien d’appréhender le chinois comme une langue qui n’est pas pensée, élaborée, construite autour et fonction d’une grammaire (plus ou moins étoffée). Dès lors que vos phrases (en compréhension et en production) tenteront de gagner en complexité, il sera certain que les verbes, adjectifs, superlatifs et autres suffixes double causatif n’auront absolument pas d’utilité et n’existeront même jamais tant ils n’auront tout simplement aucun sens.

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Pour résumer, je serais tenté de vous dire que parler d’une grammaire en chinois, pour des débutants et même pour des intermédiaires, équivaut à demander à ces mêmes personnes d’apprendre le pinyin. Toutefois, et contrairement au pinyin, il sera beaucoup plus difficile de revenir sur cette non-familiarisation d’avec la « langue chinoise » tant cela sera synonyme de reprendre l’entièreté de votre apprentissage (en caricaturant dans le propos un peu, malgré tout j’en conviens).

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« Qui dit pas de grammaire dit c’est pépère… ?! »

Ah sur ce coup-là je vous vois déjà venir ! Peut-être serez-vous en train de vous dire que, ce faisant, l’absence de grammaire constituera une vraie facilité dans l’apprentissage de cette langue. Eh bien malheureusement cela ne sera pas vraiment le cas. Outre ce que j’ai déjà pu mentionner sur la difficulté d’user d’une langue ne reposant pas véritablement sur de la grammaire, je rajouterai également deux points essentiels.

En effet, et bien que la priorité ne se trouvera certainement pas du côté de cette « grammaire », elle n’en reste pas moins un recueil, un regroupement de l’ensemble des principes qui régissent la langue chinoise (mandarin) et donc ne pourra pas être qualifiable comme relevant du « dispensable ». Ceci sera d’autant plus vrai pour celles et ceux qui souhaiteraient véritablement pousser leur niveau dans cette langue. Bien au contraire, il vous faudra de toute façon passer par l’apprentissage progressif de tous ces éléments grammaticaux (structures, particules, classificateurs…) sans quoi votre niveau de langue ne progressera pas non plus. Dès lors que vous souhaiterez comprendre et exprimer des choses qualitativement plus élaborées il vous faudra nécessairement assimiler tous ces éléments. Néanmoins, il vous faudra bien garder à l’esprit que vous ne pourrez les utiliser que de la manière dont ils vous auront été dépeins.

Par ailleurs, il ne vous faudra pas non plus tomber dans le mythe de la simplicité quant à l’acquisition de l’ensemble de ces principes et de ces conventions. Au contraire, certains faits/phénomènes de langues seront quand même plutôt difficiles à appréhender puis à maîtriser (un peu comme dans toutes les langues me direz-vous). Et cela nécessitera, à mon humble avis, un réel travail notamment à l’entrée du niveau intermédiaire.

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Enfin, il est important de considérer également cette « grammaire » comme un outil supplémentaire afin de comprendre un aspect particulier de la langue chinoise. Après tout, et dans l’hypothèse que les explications d’un natif, d’un professeur (…) ne vous permettraient pas véritablement de comprendre un aspect précis de la langue, il serait alors judicieux de vous pencher sur cette grammaire explicative. En effet, cela pourra constituer rien de moins qu’une autre façon de vous expliquer un élément de la langue en question. Le fait de disposer de plusieurs explications différentes, rien que dans la forme, sera toujours un avantage dans l’optique de progresser et notamment en chinois mandarin.

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Enfin et pour les curieux, il me semble utile de partager avec vous les vidéos ci-dessous réalisée par Faguoren. Vidéo au sein desquelles la question de la grammaire chinoise me semble plutôt bien abordée par l’auteure. Par ailleurs, cela me permet de vous recommander la chaîne youtube de Faguoren (lien de son site global sur la page d’accueil) dont les vidéos diverses, qui plus est dans un format court, pourront certainement vous aider.

Vidéos sur la grammaire chinoise de Faguoren :


vidéo sur la grammaire chinoise : Ici
Vidéo sur les classificateurs : Ici
Vidéo sur le pinyin : Ici
Vidéo pour débuter en chinois : Ici

Bon courage pour votre apprentissage, et comme diraient nos amis chinois…


Matthieu -Rukmal- P