|Interview| Le monde des langues : « ses conseils et son nouveau site sur le japonais »



Aujourd’hui, on s’intéresse au japonais (日本語) avec Pierre Blanchon de : Le Monde des Langues. Expert dans l’apprentissage des langues et apprenant du japonais depuis plusieurs années, Pierre nous livre ses astuces pour un apprentissage efficace . D’ailleurs, ce dernier pré-lance son nouveau site entièrement dédié à l’apprentissage du japonais ?! Il vous en parle !


Pierre Blanchon : « Son parcours avec le japonais »

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« … Après avoir beaucoup parlé du japonais sur mon premier site, Le Monde des Langues, j’ai décidé d’en créer un nouveau, Ganbare, qui sera intégralement dédié à cette langue… »


« En quelques phrases, pouvez-vous vous présenter ainsi que votre projet/parcours d’apprentissage du japonais ?« 

Mon parcours avec le japonais a été pour le moins chaotique. J’ai essayé de m’y mettre à deux reprises en autodidacte, à l’époque du lycée, puis à la fac. Ces deux essais se sont soldés par un échec, faute d’une bonne organisation et d’objectifs clairement définis.
Je m’y suis remis il y a quelques années, en testant énormément de ressources et de techniques d’apprentissage efficace. Avec du recul, ces tests n’ont pas forcément été le moyen le plus rapide de progresser, mais ils m’ont fourni énormément d’idées pour mettre au point ma manière d’apprendre les langues.

Après avoir beaucoup parlé du japonais sur mon premier site, Le Monde des Langues, j’ai décidé d’en créer un nouveau, Ganbare, qui sera intégralement dédié à cette langue.

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Pierre Blanchon : « ses astuces quant à l’apprentissage du japonais »

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 » …l’activité reine reste l’immersion linguistique… »


« On dit souvent que le japonais serait relativement complexe à appréhender et notamment au niveau de son (triple) système d’écriture, qu’en pensez-vous ? « 

Le japonais ne ressemble absolument pas au français et possède son propre système d’écriture. Il peut donc effrayer un francophone habitué à des langues comme l’espagnol ou l’allemand.

Concernant l’écriture elle-même, il convient de bien différencier les deux syllabaires (hiragana et katakana) des caractères chinois (kanji). S’ils peuvent paraître exotiques, les kana suivent une logique très rigoureuse, qui fait que chaque symbole correspond à une combinaison « consonne + voyelle » (excepté le -n final, ん en hiragana, ン en katakana).
En partant de ce principe simple et en exerçant un peu sa mémoire, il devient facile de retenir les kana. N’importe quel apprenant peut en faire le tour en l’espace de deux semaines, voire moins.

Les kanji, ces caractères issus du chinois, représentent il est vrai une sacré difficulté. Non seulement ils sont nombreux, mais ils ont souvent plusieurs prononciations différentes.
Les apprendre représente donc un sacré investissement, qui finit cependant par payer : lorsqu’on les connaît, ils permettent d’identifier un mot en un clin d’œil et de différencier les (nombreux) homophones en japonais.

Faites le test lorsque vous serez plus avancés : un texte écrit intégralement en hiragana vous semblera totalement illisible !

« À l’inverse, on entend souvent que le japonais à l’oral serait finalement assez simple dans la mesure où tous les sons de la langue seraient déjà connus des francophones, qu’en pensez-vous ?« 

Cette affirmation, très répandue, est en partie fausse.

D’un côté, il est vrai que le japonais comporte un nombre de sons assez réduit. Par exemple, on ne trouve que cinq voyelles, contre treize en français standard. Quatre d’entre elles sont déjà présentes en français (a, e, i, o), ce qui permet d’être en terrain connu. Seul le u est un peu particulier.

En revanche, si on prend la peine de se pencher sur la phonétique du japonais, on se rend compte qu’elle renferme un certain nombre de nuances. Par exemple, les voyelles longues, les consonnes doubles et le célèbre r, qui ne se prononce absolument pas comme un r français, plutôt comme un r espagnol.
D’autres consonnes n’existent pas en français, comme /ɕ/ (sh), /ʑ/ (j), /t͡ɕ/ (ch), /d͡ʑ/ (j). Si vous écoutez un Japonais dire des mots comme shichi (七, « sept ») ou chijin (知人, « connaissance »), vous remarquerez que les sons qu’il prononce ne sont pas tout à fait ceux du français.

Ou encore, la prononciation de certaines lettres peut varier. Par exemple, le h se prononcera comme le h aspiré anglais devant la plupart des voyelles, mais /ɸ/ devant un u (en soufflant entre les lèvres), ou /ç/ devant un i ou un y (un son sifflant, présent dans le mot ich en allemand). Le -n final a lui aussi plusieurs prononciations possibles.
Et ne parlons même pas de l’accent de hauteur, très rarement expliqué dans les manuels francophones, qui donne pourtant sa musicalité au japonais.

Bref, la prononciation du japonais n’est pas difficile en soi, mais la réduire à « C’est facile, tout se prononce comme en français » revient à faire un cadeau empoisonné aux apprenants.

« Une autre grande préoccupation des apprenants concerne les fameux Kanji. Auriez-vous quelques remarques et astuces pour faciliter plus spécifiquement leurs acquisitions ?« 

Les kanji sont sans doute la composante la plus intimidante du japonais. Il suffit de tomber sur un texte rempli de caractères qu’on connaît peu ou mal pour en ressortir complètement découragé.

Mon premier conseil serait de se familiariser avec leur tracé et d’adopter une approche « par briques ». Chaque caractère est composé de plusieurs éléments qui peuvent être combinés pour produire du sens.
Par exemple, le kanji signifie « eau ». Et (notez le petit trait en haut à gauche) signifie « glace ». Ou encore, on (bois, arbre), (bosquet) et (forêt).
Ces deux exemples sont certes basiques, mais en comprenant cette logique et en s’aidant de méthodes comme « Les kanjis dans la tête » (Yves Maniette)*, on finit par les retenir, au lieu de ne voir qu’une suite de dessins abstraits.

Ensuite, un autre conseil essentiel serait de ne pas chercher à apprendre tous les kanji avec leurs lectures (prononciations), comme on apprendrait ses tables de multiplication. Cette approche, très répandue dans l’enseignement traditionnel, est surtout un excellent moyen de tout mélanger et de vous dégoûter.
À la place, cherchez toujours à reconnaître les kanji dans le contexte de mots, pour en déduire leurs différentes prononciations.
Pour reprendre le caractère , vous remarquerez qu’il se prononce « mizu » dans le mot (mizu, « eau »), « sui » dans上水 (jōsui, « eau potable ») voire « zui » à l’intérieur de mots composés, comme 洪水 (kōzui, « inondation »).
De cette manière, il est beaucoup plus facile de retenir les différentes lectures kun (héritées du japonais ancien) et on (héritées du chinois) de chaque kanji.

Remarquons pour finir que les Japonais, qui utilisent quotidiennement la saisie prédictive sur le clavier de leurs appareils, ont souvent du mal à écrire les kanji à la main !

* « Les kanjis dans la tête – apprendre à ne pas oublier le sens et l’écriture des caractères japonais » Paru le 14/11/2019 est la version francophone de « Remembering the Kanji » (James W.Heisig) ; disponible en librairie pour un prix moyen de 39€ (ISBN : 978-2-9512557-3-9)

« En partant de zéro et sans le soutien d’un professeur par exemple, quels seraient les principaux points sur lesquels un apprenant devrait être particulièrement vigilant selon vous ?« 

Tous les points vus plus haut, pour commencer ! À savoir apprendre les kana* (hiragana puis katakana), se plonger dans la phonétique pour travailler à la fois son oreille et sa prononciation et commencer à apprivoiser les kanji.

L’apprentissage du japonais en France est souvent très académique et donne l’impression qu’il suffirait d’apprendre par cœur des kanji et des règles de grammaire pour soudain parler japonais.
Dans les faits, cette approche « fossilisée » montre vite ses limites.

À la place, efforcez-vous de faire énormément d’immersion (écoute, lecture, pratique avec des locuteurs natifs…) pour être en contact quotidien avec la langue japonaise.

*À ce sujet, lire notre article sur « Débuter dans une langue : « comment bien travailler son alphabet« 

« En termes de supports d’apprentissage y aurait-il des « immanquables » selon vous. Si oui, pourquoi ?« 

Je pourrais vous citer telle ou telle méthode, mais dans l’absolu, l’importance du support d’apprentissage est souvent surestimée. Pourquoi ?
Tout simplement parce que nous avons tendance à faire reposer sur les ressources la réussite (ou l’échec !) de notre projet. Mais ce qui fait réellement la différence, c’est surtout la manière de se servir desdites ressources, dans le cadre d’un apprentissage régulier et efficace.

Si je devais citer un outil dont je ne pourrais plus me passer, il s’agit d’Anki, le célèbre logiciel de répétition espacée, qui permet de mémoriser des mots et expressions sous la forme de cartes mémoire (flashcards en anglais).
Couplé avec les bonnes extensions et un dictionnaire permettant l’export de mots dans l’application, il devient vite une arme redoutable pour apprendre et réviser le vocabulaire japonais.

Pour le reste, vous pouvez sans problème vous procurer un manuel de grammaire, et pourquoi pas un cahier d’exercices, mais l’activité reine reste l’immersion linguistique.

Donc si vous aimez les manga, les émissions de télé japonaises ou encore les vidéos de cuisine, faites-vous plaisir !

Pierre Blanchon : « Langue & Culture japonaise »

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« …interrogez-vous sur vos sources de motivationet gardez le cap. »


« Auriez-vous une petite phrase en japonais que vous souhaiteriez partager avec nous (dictons, proverbes…) ?« 

Le japonais regorge de proverbes qui s’appliquent très bien à la réalité de l’apprentissage, alors en voici un :

« 七転び八起き »
nana korobi ya oki

que l’on pourrait traduire par « tomber sept fois, se relever huit fois .« 

En d’autres termes, même si votre parcours ne sera pas toujours une promenade de santé, n’abandonnez pas !

« Auriez-vous une petite anecdote rigolote quant à la langue japonaise et/ou à la culture japonaise ?« 

Lors de votre premier voyage au Japon, ne vous étonnez pas si les Japonais complimentent systématiquement votre niveau, dès votre arrivée à l’aéroport.
C’est le fameux 日本語が上手ですね (nihongo ga jōzu desu ne / votre japonais est excellent), auquel vous aurez droit dès que vous ouvrirez la bouche, même pour des phrases très basiques.

Les Japonais apprennent rarement des langues par eux-mêmes. Ils considèrent donc que le fait de parler ne serait-ce qu’un peu la leur représente un effort digne d’éloges.
Vous remarquerez certainement que plus votre niveau augmentera, moins vous entendrez ce compliment. Il sera généralement remplacé par d’innombrables questions, du style « Tu habites au Japon ? », « Où as-tu appris le japonais ? ». De quoi pratiquer votre oral !

« Pour des gens qui souhaiteraient commencer leur apprentissage du japonais… un dernier conseil bonus peut-être ?« 

Devenez maître de votre apprentissage. Même le meilleur prof du monde ne vous fera pas apprendre le japonais de manière passive.
Si vous savez vous organiser, vous fixer des objectifs réalistes et motivants, mémoriser du vocabulaire, travailler sur des supports variés (audio, écrit…), vous ferez forcément des progrès.

Et ne croyez pas les bonimenteurs qui vous promettent des résultats incroyables, du type « bilingue en trois mois ». Il est possible de faire des progrès rapides, surtout au début, mais atteindre un niveau avancé prend du temps, beaucoup de temps.

Donc interrogez-vous sur vos sources de motivation, c’est-à-dire les raisons profondes et personnelles qui vous poussent à apprendre le japonais, et gardez le cap.

« Merci infiniment pour votre participation, pouvez-vous nous dire où est-ce que l’on peut vous retrouver actuellement (site web, réseau sociaux…) ?« 

Merci d’avoir pris le temps de lire mes réponses.

Vous pouvez me retrouver sur mes deux sites, Le Monde des Langues, consacré à l’apprentissage efficace des langues étrangères, et sur Ganbare, dédié au japonais. Et aussi :

Un grand merci à Pierre Blanchon pour cette interview et tous ses précieux conseils ! Nous vous encourageons vivement à aller visionner ses divers contenus pour optimiser autant votre apprentissage des langues en générale que du japonais bien sûr !

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Mais si certains d’entres-vous êtes déjà curieux d’en savoir davantage découvrez son dossier très complet sur le démarrage du japonais

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Le monde des langues : ses astuces et son nouveau site sur l’apprentissage du japonais (日本語) ! #japonais #conseils #autodidacte #langues #astuces

Bon apprentissage à vous,

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Matthieu – Rukmal – P | Langues d’Ailleurs

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